TRIOMPHE
DE FAGIOLI EN NÉRON
28
juillet 2019
Munich
Bayerische
Staatsoper (Prinzregententheater)
George-Friedrich Haendel : Agrippina
Ganluca Buratto
(Claudio), Alice Coote (Agrippina), Franco Fagioli (Nerone), Elsa Benoit
(Poppea), Iestyn Davies (Ottone), Andrea Mastroni (Pallante), Eric Jurenas
(Narciso), Markus Suihkonen (Lesbo), Barrie Kosky (mise en scène), Rebecca
Ringst (décors), Klaus Bruns (costumes), Joachim Klein (lumières), Bayerische Staatsorchester,
Ivor Bolton (direction musicale).
Que
donnerait une représentation d’un opéra de Haendel dans le Théâtre de Bayreuth
construit par Wagner et dédié à ses propres œuvres ? On peut en avoir une
idée en assistant à Agrippina au Prinzregententheater dont la salle est
la copie conforme (en plus décorée) de celle du Festpielhaus wagnérien. Créé en
1709, à Venise, durant le séjour italien du compositeur, Agrippina valut
à Haendel son premier grand succès dans le domaine lyrique. Une intrigue aux
nombreux rebondissements conte la machination aux coups parfois tordus de la
mère de Néron pour faire accéder son fils au trône impérial. Le décor
conçu par Rebecca Ringst est purement fonctionnel. C’est un ensemble de cages
métalliques aux multiples possibilités selon leur position en rapport avec les
nécessités de l’action. Vedette incontestée de la soirée, véritable bête de
scène, Franco Fagioli compose physiquement un Nerone hallucinant qui
cache son ambition par un jeu proche de la débilité. Cette attitude se traduit
par son chant infiniment nuancé aux vocalises étourdissantes. En construisant
son ascension, sa mère pense, qu’empereur, elle pourra jouir du pouvoir en le
manipulant à son aise. La suite de l’histoire nous apprend qu’elle devint en
fait une de ses premières victimes. Toute la distribution est du plus haut
niveau, particulièrement la Poppea trépidante, vocalement comme
physiquement, de Elsa Benoit et l’Agrippina dominatrice d’Alice Coot. Si
certains opéras de Haendel souffrent parfois de quelques longueurs, elles sont ici
gommées par la mise en scène nerveuse et très exigeante de Barrie Kosky. Agrippina
n’est pas au sens racinien du terme une véritable tragédie et le comique le
plus débridé y côtoie le drame. Barrie Kosky sait en tirer les meilleurs effets
comme dans une des scènes du troisième acte pleine de quiproquos réunissant Ottone,
Poppea, Nerone et Claudio et qui ne déparerait pas dans un
opéra-bouffe d’Offenbach. Elégante et raffinée, la direction musicale de Ivor
Bolton assure un parfait équilibre entre la fosse et le plateau.
Pierre
Iung
Les photos sont de Wilfrid Hösl